Le parc « La Visite » illustre la guerre ouverte contre les forêts en Haïti

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L’endroit se trouve sous une menace urgente

Le parc « La Visite » situé au sud-est dans la chaîne de la Selle renferme une forêt importante pour sa biodiversité et abrite la plus grande réserve de pins d’Haïti. L’endroit, qui se place dans la réserve de biosphère de La Selle, selon une désignation de l’UNESCO en 2012, a été déclaré espace protégé en 1983.

Pourtant, le parc « La Visite » se trouve sous une menace constante. Près de 800 familles y résident et font de l’espace un chantier de planches et de cultures. Résultat : les sources d’eau qu’alimente cette réserve forestière s’assèchent, les incendies et l’abattage systématique des arbres y règnent en maitre.

«Les forêts subissent de grandes menaces en Haïti », explique Prenord Courdo, responsable de l’Agence nationale des aires protégées (ANAP). Les conditions précaires dans lesquelles vivent des communautés du pays obligent parfois les habitants à abattre les arbres afin d’assurer leur survie.

Haïti compte 25 aires protégées, dont onze aires maritimes et quatorze aires terrestres. Ces espaces géographiques sont reconnus par l’État afin d’assurer la conservation de leurs écosystèmes et de leurs ressources naturelles.

Le parc La visite est considéré comme l’une des dernières réserves forestières d’Haïti. Il détient une grande richesse au niveau de sa flore. Des espèces végétales abritent l’espace et plusieurs variétés d’oiseaux colonisent son environnement.

Des incendies à répétition

La première menace du Parc vient du feu. « De mauvaises pratiques sont constatées depuis des lustres au sein de la forêt, révèle Exéquiel Sémé, un jeune ingénieur et chef de file du forum La Visite verte dans la localité de Seguin. Nous sommes témoins de la plupart des incendies qui ont été déclarés dans le Parc La Visite », dit-il.

L’agronome Courdo relate que les incendies dans les forêts d’Haïti sont des pratiques courantes. « Fort souvent, certaines familles choisissent volontairement de mettre le feu afin de créer des espaces agricoles », confirme-t-il. Les pare-feux et les brigadiers forestiers placés par l’ANAP sont impuissants.

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En 2013, les brigadiers en poste pour garder le Parc La Visite étaient 31 au total. Car, le ministère de l’Environnement avait constaté que la région était sous menace. L’initiative n’a pas perduré après une année. On ne compte aujourd’hui que trois brigadiers pour la gestion de 11,426 hectares de terre en danger.

Il s’agit d’ailleurs d’un problème global. « La brigade des aires protégées compte environ 200 agents », selon le DG de l’ANAP. Ces officiers sont ordinairement en quantité insuffisante pour gérer ces espaces qui s’étendent généralement sur des étendues plutôt vastes.

La forêt des pins est située au parc national La Visite. Elle est l’une des dernières forêts d’Haïti, un pays où la déforestation fait rage. Photo: RFI/ Stefanie Schüler

Un impact dévastateur

La pression exercée sur l’environnement par les centaines de familles qui vivent dans le Parc vient avec des conséquences dramatiques.

La nappe phréatique du Massif de la Selle alimente la quasi-totalité des sources d’eau dans les départements de l’Ouest et du Sud-Est. Les arbres du Parc La visite et de Furcy (prolongement du parc La visite à Kenscoff) placés sur les hauteurs de la Selle servent de zone d’alimentation pour les principales rivières et sources du pays.

« Les eaux de ruissellement des ravines de Léogane, la rivière Froide, la Momance et la rivière Grise sont constamment alimentées par le bassin versant du Parc La visite », selon Prenord Courdo. Le débit de ces cours d’eau est aujourd’hui réduit avec la construction abusive de maisons dans cette zone réservée et l’abattement agressif des arbres.

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« Les arbres favorisent le remplissage de la nappe aquifère lorsqu’il pleut », selon les dires de Dominique Francisque, responsable des bassins versants au Ministère de l’Agriculture, des Ressources naturelles et du Développement rural (MARNDR).

Donc, plus il y a d’arbres sur les bassins versants, plus la nappe est alimentée par l’infiltration des eaux. Parallèlement, plus il y a de maisons les risques de ruissellement sont plus élevés et les sources captent moins d’eau.

L’agronome Courdo pointe les phénomènes climatiques qui ont engendré une importante sécheresse dans le pays comme autre facteur explicatif de la diminution du débit des sources. « Nos forêts n’ont pas reçu la quantité de pluie qu’ils devraient nécessairement recevoir. »

Quand la pluie tombe, ce qui est rare, elle vient avec force et le sol n’a pas le temps d’infiltrer ces eaux dans la nappe phréatique, rajoute Courdo. Le ruissellement de ces eaux provoque de grands dégâts dans les quartiers situés au pied du Massif de la Selle, selon Janis Simon, un ancien garde forestier du parc « La Visite ».

La nécessité d’un accompagnement

Les derniers chiffres sur la couverture forestière d’Haïti datent de 1999. Bien que le chiffre de 2 % évoqué par plusieurs ONG soit exagéré selon des experts, l’heure reste grave.

Puisque l’environnement n’a pas de propriétaire, le directeur de l’ANAP, Prenord Courdo, estime nécessaire la collaboration de chaque citoyen dans la protection des arbres et la gestion des ressources naturelles.

Mais, la pauvreté de la population fait obstacle aux sensibilisations écologiques. Les multiples campagnes réalisées dans la réserve de biosphère de La Selle ne donnent pas les résultats escomptés. Courdo le reconnait : « La sensibilisation marche de pair avec des actions purement économiques afin de faciliter aux gens d’avoir un moyen de survie sans qu’ils aient à compter sur les ressources du parc La Visite ».

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