À Luxembourg, programme Haendel pour William Christie et Les Arts Florissants
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Luxembourg. Grand Auditorium de la Philharmonie. 13-XII-2021. Georg Friedrich Haendel (1685-1759) : L’Allegro, il Penseroso ed il Moderato HWV 55, ode pastorale en trois parties sur un livret de Charles Jennens d’après John Milton. Soliste du Sankt Florianer Sängerknaben, soprano garçon ; Rachel Redmond, soprano ; James Way, ténor ; Sreten Manojlović, basse. Les Arts Florissants, direction : William Christie
Version intégrale pour le triptyque élaboré par Haendel autour des poèmes de John Milton. Une interprétation marquée par la grâce, la légèreté et la jeunesse.
Contrairement à la proposition faite à Beaune l’été dernier, l’ode de Haendel est donnée ce soir dans son intégralité. Elle comprend également le volet « Il moderato », parfois omis par certains chefs d’orchestre qui estiment que ce rajout textuel constitue une trahison par rapport aux deux poèmes « L’Allegro » et « Il Penseroso », initialement conçus comme un diptyque par John Milton, l’auteur du Paradis perdu. C’est pourtant à la demande expresse de Haendel que le librettiste Charles Jennens, également le compilateur du texte du Messie, avait écrit cette synthèse des deux tempéraments opposés qui dialoguent tout au long des deux premières parties de l’ode. Rarement le compositeur naturalisé anglais n’aura été à ce point inspiré par un texte dont il a su retranscrire musicalement les multiples contrastes. Brossant un portrait particulièrement réussi de la vie en Angleterre à la ville comme à la campagne, opposant le caractère jovial et extraverti de l’Allegro au tempérament introverti et mélancolique du Penseroso, Haendel ne conduit à aucun moment son auditeur à préférer l’un ou l’autre des tempéraments ainsi dépeints dans sa musique. Si la première partie semblerait plutôt mettre en valeur le caractère joyeux et enjoué du personnage allègre, la deuxième met en avant la douce mélancolie du pensif, avant de prôner celui qui, modéré et raisonnable, a su faire le choix du juste milieu présenté comme la seule alternative viable.
Un des grands mérites de Haendel a été de ne pas associer un rôle à une voix, et tous les chanteurs réunis sur le plateau incarnent tour à tour l’un et l’autre des deux tempéraments. Ce soir, le ténor et le soprano garçon semblent cependant pencher davantage vers l’Allegro, le soprano et la basse étant plus volontiers sollicités pour les textes attribués au Penseroso. Par rapport à la représentation de Beaune, deux des chanteurs sont des nouveaux venus dans la distribution, tandis que deux autres renouvellent leur prestation ce cet été. Parmi ces derniers, on retiendra le chant noble et aristocratique de la basse serbe Sreten Manojlović, qu’on espère entendre bientôt dans d’autres rôles. Si le chanteur manque quelque peu de puissance dans l’air avec cor « Mirth, admit me of they crew », il excelle tout particulièrement dans les couleurs et les phrasés du « Come, with native lustre shine » du Moderato. Rachel Redmond fait valoir quant à elle un soprano riche, fruité et délicieusement vibré, remarquable autant dans le legato de ses lignes que dans l’aisance et la virtuosité de ses vocalises. Dans « Sweet bird », elle enchante le public par son dialogue avec le flûtiste Serge Saitta.
Chez les nouveaux venus, le ténor James Way possède un organe puissant et bien placé, et surtout une diction extrêmement claire et précise grâce à laquelle on ne perd pas un mot du texte. Stylistiquement, le chanteur semble cependant appartenir à un autre univers que celui du dix-huitième siècle anglais, et l’on regrette qu’il ait fallu attendre le sublime duo « As steals the morn upon the night » pour entendre enfin un peu de chant legato. Comme on pouvait s’y attendre, le jeune soliste du Sankt Florianer Sängerknaben a soufflé la vedette à tout le monde. Par sa gouaille et son assurance, le petit blondinet d’à peine dix ans, le seul d’ailleurs à chanter sans partition et dans une langue qui a priori n’est pas la sienne, aura su faire oublier un certain nombre d’approximations en termes de justesse et d’exactitude rythmique. Dans un effectif plus fourni qu’à Beaune, les vingt choristes des Arts Florissants ont délivré une superbe lecture d’une des plus belles œuvres de Haendel. L’orchestre, sous la baguette attentive de William Christie, et entraîné par la basse continue de David Simpson, Jonathan Cable, Béatrice Martin et Thomas Dunford, a donné une interprétation dont les Arts Florissants, dans leurs bons soirs, ont le secret. Le public a réservé un triomphe à ce concert en tout point enthousiasmant.
Crédit photographique : Les Arts Florissants, William Christie et Rachel Redmund © Philharmonie/Sébastien Grébille
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Luxembourg. Grand Auditorium de la Philharmonie. 13-XII-2021. Georg Friedrich Haendel (1685-1759) : L’Allegro, il Penseroso ed il Moderato HWV 55, ode pastorale en trois parties sur un livret de Charles Jennens d’après John Milton. Soliste du Sankt Florianer Sängerknaben, soprano garçon ; Rachel Redmond, soprano ; James Way, ténor ; Sreten Manojlović, basse. Les Arts Florissants, direction : William Christie