« La Terre plate », de Violaine Giacomotto-Charra et Sylvie Nony : a-t-on vraiment cru que la Terre n’était pas ronde ?

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Un vaisseau Soyouz, au-dessus de la mer Noire.Un vaisseau Soyouz, au-dessus de la mer Noire.

Galilée s’est-il exclamé lors de son procès « Et pourtant, elle est ronde » ? Non, comme chacun le sait, la légende lui prête ces mots : « Et pourtant, elle tourne ! » Condamné en 1633, l’astronome italien défendait la théorie que la Terre était en mouvement autour du Soleil, d’après le modèle héliocentriste développé un siècle plus tôt par Copernic. Pourtant, soulignent Violaine ­Giacomotto-Charra et Sylvie Nony dans La Terre plate, beaucoup persistent à croire que Galilée, mais aussi Christophe Colomb auraient enduré les foudres de l’Eglise car ces précurseurs auraient voulu démontrer, contre leur temps, que la Terre était ronde. De fait, la chose est universellement entendue : au Moyen Age, on pensait que la Terre était plate.

Les deux universitaires auraient pu se contenter, comme elles le font admirablement, de reprendre les nombreuses études scientifiques qui ont démontré le contraire. Vieille de deux mille cinq cents ans, l’idée de sphéricité de la Terre, énoncée par Platon et Aristote au IVe siècle av. J.-C. et démontrée mathématiquement par Eratosthène (v. 276-v. 194 av. J.-C.), fut admise, transmise et enseignée tout au long du Moyen Age dans les écoles cathédrales puis à l’université.

Barbancourt

le rhum des connaisseurs



« La tête en bas »

Il y eut bien des Pères de l’Eglise ­latine, comme Lactance (250-325) et saint Augustin (354-430), pour contester que les antipodes pussent être peuplés d’« hommes qui aient les pieds en haut et la tête en bas ». Mais il ne s’agissait en rien de nier l’existence même des antipodes, et donc la rotondité de la Terre, mais de rejeter l’idée que des hommes aient pu, quelque part, échapper à la Révélation. Quant aux quelques membres de l’Eglise d’Orient qui rejetèrent la sphéricité de la Terre, dont ­Cosmas (mort en 550), ils furent ­condamnés comme hérétiques car ­nestoriens, et leurs textes ne furent pas diffusés avant le XVIIIe siècle.

Mais, pour Violaine Giacomotto-Charra et Sylvie Nony, établir qu’une idée est fausse ne suffit pas. Il faut en faire l’histoire. Or ce mythe apparaît sous les Lumières qui, exhumant ­Cosmas et détournant la question des antipodes, accréditèrent l’idée d’un Moyen Age oublieux des enseignements de l’Antiquité, mais firent aussi naître une confusion plus ou moins volontaire entre cette fable et la ­condamnation bien réelle de l’héliocentrisme par l’Eglise. Au XIXe siècle, lors de la querelle du darwinisme aux Etats-Unis, ou au XXe siècle, en France, lors de la séparation de l’Eglise et de l’Etat, le mythe se fit instrumentalisation. Galilée devint le martyr d’une Eglise obscurantiste, Colomb le chantre d’un savoir acquis par l’expérience ­contre le dogme.

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