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L’Opéra de Limoges à l’heure espagnole avec les Goyescas de Granados

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Limoges. Opéra. 9-XI-2021. Enrique Granados (1867-1916) : Les Goyescas, opéra en un acte et trois tableaux sur un livret de Fernando Periquet y Zuaznabar. Dispositif scénique : Jean-Philippe Clarac et Olivier Deloeuil. Avec : Vanessa Goikoetxea, Rosario ; Kevin Amiel, Fernando ; Armando Noguera, Paquiro ; Héloïse Mas, Pepa. Chœur (direction : Edward Ananian-Cooper) et orchestre de l’Opéra de Limoges, direction : Robert Tuohy

Peut-être pour nous réchauffer en cette période automnale et covidienne, l’Opéra de Limoges a mis à l’honneur les Goyescas d’Enrique Granados avec le cycle de piano interprété par Jean-François Heisser et son émanation opératique, beaucoup plus rare sur les scènes françaises.

Hommage à l’œuvre du peintre Francisco Goya, les Goyescas d’Enrique Granados sont à l’origine une suite pour piano. En 1916, le compositeur espagnol en tire un opéra, destiné à l’origine à l’Opéra de Paris mais finalement présenté à New York en 1916 juste avant sa mort par noyade à la suite du torpillage de son bateau par les Allemands.

Ces deux œuvres s’inspirent de l’Espagne de fantaisie sublimée par Goya dans ses tableaux mettant notamment en scène les jeux de séduction et de jalousie des Majos et Majas dans les quartiers populaires de Madrid au XIXᵉ siècle. Cette partition élégante et raffinée a de quoi troubler car elle revisite dans un premier temps les styles populaires de la musique espagnole par le prisme d’un badinage amoureux qui se termine mal, évoluant dans une deuxième partie vers un style beaucoup plus emphatique. On y repère alors des sonorités wagnériennes et un expressionnisme théâtral et sombre qui éloigne l’œuvre de l’anecdotique espagnolade ensoleillée.

Le dispositif scénique imaginé par Jean-Philippe Clarac et Olivier Deloeuil ne sort pas réellement l’opéra d’une version de concert. Les projections de figures graphiques entre le chœur et l’orchestre évoquant d’assez loin l’art de Goya ont le mérite d’apporter un caractère ludique à la soirée par un décryptage simple du livret par le jeune public. Pour autant, cela n’apporte rien de réellement passionnant à une version de concert où le seul talent des artistes bien dirigés suffit à la réussite de la soirée. Et du talent, il y en a !

Le chœur est un protagoniste à part entière dans cette œuvre d’atmosphère. Force est de constater que le travail d’Edward Ananian-Cooper permet de restituer à merveille le commentaire populaire et l’esprit de fête dévolu à sa partie.

Emporté par la battue élégante et précise de Robert Tuohy, l’orchestre de l’Opéra de Limoges assume parfaitement les évolutions de la partition de Granados, de l’espagnolade classique d’entrée à l’expressionnisme progressif qui trouve son paroxysme dans un final troublant de noirceur et d’angoisse. Jamais la tension ne baisse et le fameux Intermezzo met en valeur l’élégance et le raffinement de chaque pupitre. Une très belle prestation.

La fête se prolonge du côté vocal où chaque rôle est superbement tenu. Penélope Denicia, artiste des chœurs, réussi à imposer sa présence vocal en peu de temps dans une partie exigeante. Le mezzo charnu et charnel d’Héloïse Mas est une merveille de sensualité dans le rôle de Pepa et le baryton Armando Noguera est une incarnation parfaite du mâle espagnol séducteur grâce au cuivre de son timbre et à son legato parfait.

Le ténor Kévin Amiel déploie la clarté de son timbre et ses beaux aigus au service du rôle du noble amoureux Fernando. Très émouvant, il s’efface cependant devant sa Rosario, campée par la soprano Vanessa Goikoetxea dont il faut dire que la performance est un véritable choc ! Une présence magnétique et un tempérament dramatique exceptionnels accompagnent une voix opulente dans tous les registres qui lui permet d’assurer des forte impressionnants mais aussi des nuances extraordinaires et des demi-tons d’équilibriste, dessinant au passage un portrait de femme fière mais déchirée proprement stupéfiant. Le rôle s’amplifie à mesure que l’expressionnisme teinte la partition. Des aigus dardés aux volutes sensuelles, rien ne lui échappe et elle ose le « trop » sans pour autant que cela soit « trop ». Le poétique rossignol dans le jardin, seul air de la partition, lui revient. Elle en assume la beauté des lignes avant une scène finale, amoureusement accompagnée par l’orchestre, qui marque par son engagement scénique et vocal, au bord du précipice. Violent, outré, lyrique, mystérieux et sombre. Une splendide découverte d’une voix assurément à suivre.

Crédits photographiques : © Opéra de Limoges

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Limoges. Opéra. 9-XI-2021. Enrique Granados (1867-1916) : Les Goyescas, opéra en un acte et trois tableaux sur un livret de Fernando Periquet y Zuaznabar. Dispositif scénique : Jean-Philippe Clarac et Olivier Deloeuil. Avec : Vanessa Goikoetxea, Rosario ; Kevin Amiel, Fernando ; Armando Noguera, Paquiro ; Héloïse Mas, Pepa. Chœur (direction : Edward Ananian-Cooper) et orchestre de l’Opéra de Limoges, direction : Robert Tuohy

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