Pene Pati retrouve Roméo de Gounod à l’Opéra Comique
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Paris. Opéra Comique, Salle Favart. 21-XII-2021. Charles Gounod (1818-1893) : Roméo et Juliette, opéra en cinq actes sur un livret de Jules Barbier et Michel Carré, d’après la tragédie de William Shakespeare. Mise en scène & scénographie : Éric Ruf. Costumes : Christian Lacroix. Lumières : Bertrand Couderc. Chorégraphie : Glyslein Lefever. Collaboration artistique :Léonidas Strapatsakis. Avec : Pene Pati, Roméo ; Perrine Madoeuf, Juliette ; Patrick Bolleire, Frère Laurent ; Adèle Charvet, Stephano ; Philippe-Nicolas Martin, Mercutio ; Jérôme Boutillier, Comte Capulet ; Marie Lenormand, Gertrude ; Yu Shao, Tybalt ; Thomas Ricart, Benvolio ; Arnaud Richard, Pâris ; Yoann Dubruque, Gregorio ; Geoffroy Buffière, Duc de Vérone ; Julien Clément, Frère Jean. accentus/Opéra de Rouen Normandie. Orchestre de l’Opéra de Rouen Normandie, direction musicale : Laurent Campellone.
Ce devait être Jean-François Borras et Julie Fuchs. Pene Pati et Perrine Madoeuf sont finalement Roméo et Juliette à l’Opéra Comique en cette fin d’année. Encore mieux porté par le ténor samoan qu’à Bordeaux en 2020, l’ouvrage de Gounod bénéficie également d’un orchestre particulièrement concentré sous la direction de Laurent Campellone.
Le Covid-19 continue ses dommages dans la musique, mais heureusement, Roméo et Juliette de Gounod à l’Opéra Comique aura bien eu lieu jusqu’à la dernière représentation. Jean-François Borras devait être Roméo ; positif, il laisse sa place in extremis à Pene Pati, remplacé lui-même un soir par Jesús León. Lors de cette dernière, le ténor samoan affiche toujours le même plaisir en scène et développe le même contre-aigu insolent qu’à Bordeaux en fin d’acte III. Il est en plus à présent extrêmement touchant dès sa romance, sous le balcon de l’acte II. Ductile, lyrique et émouvant, Pene Patti illumine la distribution. La Juliette de Perrine Madoeuf, remplaçante au pied levé de Julie Fuchs, elle aussi covidée, manque de justesse à sa première intervention, mais la soprano se rassure et convainc bien mieux dans les duos avec Roméo. Patrick Bolleire campe un Frère Laurent attentionné et bien présent par son registre grave, précis sur un texte de Carré et Barbier bien inférieur à celui de la pièce de Shakespeare – ils récidiveront un an plus tard avec Hamlet pour Ambroise Thomas, repris à Favart dès cette rentrée. Philippe-Nicolas Martin livre un dynamique Mercutio, trop vite tué au couteau à cran d’arrêt par le Tybalt plus nasal mais lui aussi bien émulsé de Yu Shao.
Jérôme Boutillier tient dans le médium un Comte Capulet qu’on a connu plus statutaire, tandis qu’Adèle Charvet en Stephano travesti ravit pour sa chanson puis face au Gregorio de Yoann Dubruque. Marie Lenormand complète le plateau par sa voix de mezzo bien placée pour Gertrude. Le chant bénéficie également des membres du chœur Accentus, aux sons bien projetés malgré le fait de chanter masqué, même dans les rôles d’importance comme Pâris par Arnaud Richard ou Frère Jean par Julien Clément. Le reste d’Accentus livre la même qualité de prestation malgré là aussi le masque sur la bouche, pour des ensembles toujours parfaitement en place et vivants.
Superbe pour accompagner le plateau, l’Orchestre de l’Opéra de Rouen Normandie impressionne, et si l’on entendait déjà les percussions se préparer avec netteté pendant l’installation du public, la puissance de leurs interventions dans la bataille de l’acte III est particulièrement saisissante, de même que les coups assenés par le tutti. En plus de cuivres toujours justes – à un défaut des cors près en fin d’acte II – et de cordes toujours souples, c’est plus précisément la direction de Laurent Campellone qui passionne tout au long de l’opéra, tant le chef parvient à contraster les ambiances à chaque scène. D’une ouverture prise comme on entrerait dans celle de Tannhaüser – créé dans sa version parisienne six ans avant l’ouvrage de Gounod – à un duo du balcon d’une douce rêverie, la partition symphonique se déploie jusqu’aux batailles d’une grande violence puis une scène du tombeau d’une sombre tristesse.
La mise en scène d’Éric Ruf, en coproduction avec Rouen, Berne, Bari et Washington, est une remise à jour de celle vue pour la pièce de théâtre en 2015 à la Comédie Française. L’artiste déplace l’action dans l’Italie pauvre du Sud et quitte Vérone pour ce qu’on peut apparenter à Palerme, par l’utilisation des corps momifiés debouts à la scène du tombeau, comme dans les catacombes de la ville sicilienne. Tout est bien fait et participe à promouvoir le texte, sans jamais surdévelopper le livret ni non plus le transcender. Les costumes de Christian Lacroix se montrent presque trop beau par rapport au dénuement des décors, tandis que la dramaturgie moderne lorgne par ses chorégraphies jusque vers West Side Story, justement à nouveau au cinéma actuellement avec le remake de Spielberg.
Espérons qu’un théâtre coproducteur reprennent l’œuvre avec les deux artistes présents jusqu’à l’avant-dernière répétition, même si le public parisien a clairement eu la chance de découvrir le grand Roméo de Pene Pati !
Crédits photographiques : Photos des répétitions © Stéphane Brion
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Paris. Opéra Comique, Salle Favart. 21-XII-2021. Charles Gounod (1818-1893) : Roméo et Juliette, opéra en cinq actes sur un livret de Jules Barbier et Michel Carré, d’après la tragédie de William Shakespeare. Mise en scène & scénographie : Éric Ruf. Costumes : Christian Lacroix. Lumières : Bertrand Couderc. Chorégraphie : Glyslein Lefever. Collaboration artistique :Léonidas Strapatsakis. Avec : Pene Pati, Roméo ; Perrine Madoeuf, Juliette ; Patrick Bolleire, Frère Laurent ; Adèle Charvet, Stephano ; Philippe-Nicolas Martin, Mercutio ; Jérôme Boutillier, Comte Capulet ; Marie Lenormand, Gertrude ; Yu Shao, Tybalt ; Thomas Ricart, Benvolio ; Arnaud Richard, Pâris ; Yoann Dubruque, Gregorio ; Geoffroy Buffière, Duc de Vérone ; Julien Clément, Frère Jean. accentus/Opéra de Rouen Normandie. Orchestre de l’Opéra de Rouen Normandie, direction musicale : Laurent Campellone.