Pierre Maillet rend hommage à Pier Paolo Pasolini au festival du TNB de Rennes
Réunissant un autoportrait et le roman à l’origine du film “Théorème”, Pierre Maillet tisse, sans révérence, un drôle d’hommage à Pier Paolo Pasolini.
Un striptease sans chichis ouvre Théorèmes. Ne résistant au plaisir de reproduire le fameux cliché où, absorbé dans sa lecture, Pier Paolo Pasolini pose nu et jambes écartées dans l’intimité de sa chambre, Pierre Maillet lance son spectacle en tenue d’Adam pour évoquer la carrière et les engagements de son auteur. Il se réfère à Qui je suis, un court texte écrit lors d’un séjour à New York en 1966 où Pier Paolo Pasolini s’amuse de la pirouette d’une interview fictive pour répondre à ses détracteurs et évoquer ses projets à venir.
Pédagogique et bienvenue, cette remise à niveau sur les bras de fer moraux lancés comme autant de défis à la société par Pier Paolo Pasolini se double durant l’entrée des spectateurs de la projection d’un bout à bout des bandes annonces des premiers films du cinéaste, d’Accatone (1961) à L’Évangile selon Saint Matthieu (1964), tout autant que son incartade dans le documentaire avec Enquête sur la sexualité (1965).
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S’agissant de Théorème, Pier Paolo Pasolini n’est pas tendre avec son travail d’écriture… Il disqualifie d’emblée son roman, “le traitement le plus informe que j’ai écrit à cette date-là”, en précisant que pour le film, sorti en 1968, “pratiquement tout a été inventé au tournage”. Transformant la sévérité de l’autocritique en l’aubaine d’une carte blanche, Pierre Maillet peut alors quitter le plateau et son rôle de conférencier naturiste pour rejoindre la régie. Il laisse la place à une troupe joyeuse qui s’empare avec énergie des mystères de Théorème, conte contemporain ouvertement blasphématoire.
L’arrivée d’un ange (Benjamin Kahn) instille en douceur le chaos dans une maison bourgeoise. À son contact, le fils (Arthur Amard) se découvre une passion dévorante pour l’art contemporain tandis que la fille (Alicia Devidal) tombe dans une extase cataleptique. Le père (Rachid Zanouda) fait cadeau de son usine à ses ouvriers pendant que la mère (Frédérique Loliée) arpente les trottoirs pour offrir son corps au premier venu. Touchée par la grâce, la servante (Marilú Marini) devient une abonnée aux miracles en sainte mangeuse d’orties.
Puisant à la variété italienne pour la playlist, le metteur en scène mise sur l’humour et un optimisme à toute épreuve pour traiter l’insondable nostalgie consécutive au départ du visiteur divin. Se libérant des ellipses du film, Pierre Maillet prend un plaisir communicatif à nous restituer avec Théorèmes le paysage délirant d’un sacré foutoir.
Théorèmes, librement inspiré du roman Théorème et du texte Qui je suis de Pier Paolo Pasolini, adaptation et mise en scène et jeu Pierre Maillet. Avec Benjamin Kahn, Alicia Devidal, Frédérique Loliée, Luca Fiorello, Marilu Marini… Du 10 au 13 novembre dans le cadre du Festival TNB, Théâtre national de Bretagne à Rennes. En tournée jusqu’au 14 avril 2022.