Pour que la détresse des soignants soit entendue, comment doivent-ils manifester? – BLOG
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SOIGNANTS – L’état catastrophique des hôpitaux publics n’est plus à remettre en question: manques de lits et de personnels, organisations hiérarchiques et centrées sur la rentabilité, salaires insuffisants, etc. Les soignants, médecins, infirmiers et infirmières, aides-soignants et aides-soignantes, psychologues, et d’autres, sonnent l’alarme depuis de nombreuses années. Leur travail ne fait plus sens, les patients sont mal accueillis et risquent de ne plus être bien soignés selon les valeurs de leur profession. Quand le dialogue avec les décideurs ne peut plus se faire, les soignants ne peuvent que manifester leur colère. Comment?
Revendiquer sur les lieux de travail
Les soignants ont pris l’habitude, depuis quelques années, d’exprimer leurs revendications à travers des mouvements de grève locaux et nationaux, sans toutefois pouvoir suspendre leurs activités de soin, du fait du système de réquisition qu’appliquent les directions hospitalières. Dès lors, face à l’impossibilité de “débrayer” en masse comme dans d’autres domaines d’activité, les soignants choisissent de manifester leur mécontentement par des actions sur les lieux de travail, sans le quitter: banderoles à l’entrée des services, affichage “en grève” sur leur tenue, collages à l’extérieur de l’hôpital, rassemblements dans les halls d’accueil et distribution de tracts, SOS grandiose sur les murs, jusqu’à s’exposer nus, rendant visible leur invisibilité. Ainsi, l’expression créatrice, relayée largement par les réseaux sociaux et les médias, est le mode privilégié par les collectifs de défense des hôpitaux comme le Collectif Inter Hôpitaux et Inter Urgences, dans une période où les soignants ne se retrouvent pas dans les types traditionnels d’action des syndicats auxquels ils adhèrent peu.
C’est dans ce sens que les soignants, soucieux de ne pas donner l’impression d’abandonner les patients dont ils prennent soin, s’attachent, lors de ces actions sur leur lieux de travail, à insister sur les valeurs professionnelles d’hospitalité que les politiques de santé ont largement mise à mal depuis de nombreuses années.
La manifestation du 4 décembre 2021
Le 4 décembre 2021, une manifestation parisienne a réuni quelques milliers de personnes, collectifs de soignants, syndicats, citoyens, pour la défense de l’hôpital public. Elle partait des Invalides, passait par l’hôpital Necker, pour se terminer au ministère de la Santé, où une délégation était reçue. En début de cortège, les organisations syndicales clamaient leur colère, classiquement, en brandissant les drapeaux de leurs organisations. En arrière, des collectifs de citoyens et hospitaliers marchaient main dans la main, dialoguant, chantant, dansant, arborant des affiches bricolées. La police était peu présente au milieu de cette foule hétéroclite. Les soignants, en tenue professionnelle décorée, libérés des contraintes délétères qu’ils connaissent au quotidien, parcouraient les avenues parisiennes joyeusement, en camarade de lutte. La rue était à eux, peuple du soin, rencontrant les passants qui approuvaient leur colère: “L’hôpital va mal, et je vous soutiens”, disaient-ils.
L’expression soignante des manifestations
La manifestation, forme d’action bien ancrée en France, permet de sortir du cadre bien circonscrit des lieux de travail, où l’affrontement avec les directions est souvent vécu de manière violente. Au cours des manifestations organisées le plus souvent par les syndicats, la forme d’expression militante faite de slogans parfois provocateurs côtoie une forme plus émotionnelle. L’émotion – comme Danielle Tartakowsky l’a montré à l’occasion de manifestations après une mort – est ainsi une manière, pour les soignants, ensemble, de s’indigner face à la mort symbolique de l’hôpital dans lequel ils travaillent.
À côté des revendications matérielles portées par les organisations syndicales et politiques traditionnelles, ces mouvements des soignants prennent une dimension subjective où les dimensions de solidarités et d’hostilité à l’égard des politiques de santé transformant l’hôpital en entreprise sont à prendre en compte. La lutte des dominés – face aux décideurs dominants – prend ainsi une forme de lutte pour la reconnaissance de leur travail, quelle que soit leur position hiérarchique dans l’hôpital.
Il est remarquable que dans la foule des manifestants se côtoient les médecins, souvent interrogés par les médias, les infirmiers et infirmières, les aides-soignantes et aides-soignants, les étudiants et les représentants des usagers de l’hôpital. La lutte devient dès lors éthique et politique à la fois, rappelant les valeurs professionnelles de soin et de sollicitude à l’autre vulnérable qu’ils défendent face au mépris et à l’injustice qu’ils subissent de la part des directions et décideurs politiques.
Contrairement aux mouvements ouvriers, les soignants manifestants – au sein de collectifs notamment – ne revendiquent pas une conscience de classe, mais une conscience de rôle, dans une société où la santé reste une préoccupation des citoyens. Les soignants, dans cette perspective, ne remettent pas systématiquement en question les rapports économiques à l’intérieur de l’hôpital, mais s’opposent en commun aux politiques de santé qu’ils jugent délétères pour leur travail au quotidien et pour la santé de leurs concitoyens. C’est sans doute pourquoi les soignants entretiennent parfois une méfiance envers les partis politiques, les syndicats et les formes institutionnalisées de revendication politique.
Quels modes d’action?
Les soignants ne sont pas habitués à se regrouper au sein de collectifs pour crier leur colère face à la destruction lente de l’hôpital public.
Leurs modes d’action, au sein de l’hôpital ou dans l’espace public, relèvent d’une créativité propre aux nouveaux mouvements sociaux, même si parfois ils se rassemblent dans la rue aux côtés des représentants syndicaux dont le mode d’action et d’expression reste traditionnellement la grève et la manifestation “classique”.
Ces modes d’action seront-ils efficaces?
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