“Starstruck”, la série romcom parfaite pour les fêtes
“Girl meets boy.” En partant d’un postulat vu et revu, Rose Matafeo livre un petit bijou qui s’inscrit dans le renouveau de la série britannique.
Depuis quelques années, l’Angleterre a pris le relais des États-Unis pour mettre en avant des voix féminines ultra contemporaines, de Fleabag à I May Destroy You.
Rose Matafeo, la créatrice de Starstruck, n’a peut-être pas encore le génie de Phoebe Waller-Bridge et de Michaela Coel, mais elle s’inscrit dans leur lignée et joue avec beaucoup de finesse des codes d’un genre éculé : la comédie romantique, pleine de désir et d’amour fragile. Soit peut-être la meilleure façon de passer les fêtes plus ou moins confiné·es.
Notting Hill revisité
Ici, tout commence quand une vingtenaire londonienne d’origine néo-zélandaise (c’est le cas de la créatrice, qui joue le rôle-titre en plus de coécrire avec Alice Snedden) fête le nouvel an en couchant avec un joli garçon qui s’avère être l’une des stars de cinéma les plus hype du Royaume-Uni. Elle n’en avait pas la moindre idée. Elle ne se remettra pas vraiment de lui, pour des raisons qui n’ont rien à voir avec sa célébrité. Et lui non plus, tant qu’à faire.
Ce pitch, à peu près tout le monde l’aura reconnu. Même si les rôles genrés sont inversés, il s’agit à peu près de celui d’une délicieuse romcom qui fête cette année ses 22 ans, ce qui ne rajeunit personne. Comme nous, avouons-le, Matafeo connait Coup de foudre à Notting Hill par cœur. Elle distille quelques hommages durant les six épisodes de la série, jusqu’à une scène de soirée/dîner qui rappelle clairement le film de Roger Michell. Cela ne pose aucun problème et ajoute même au charme de l’ensemble. Car au fond, elle ne copie rien. À la place, elle se sert de nos souvenirs (et des siens) comme autant de portes d’accès vers une fiction nouvelle.
Météo des sentiments
Starstruck possède une première qualité : sa structure, capable de nous embarquer pendant une année entière dans la vie de Jessie et de son crush prénommé Tom, au fils des mois. Le premier épisode s’appelle Nouvel An, le dernier, Noël. Entre les deux défilent les quatre saisons. À chaque fois, donc, une ellipse vient interrompre le cours de la relation pour le moins chaotique entre les deux amants/amoureux, et une certaine météo des sentiments se déploie. Orage, éclaircie, coup de foudre, pluie fine et froide, tout y passe, ce qui a pour effet surprenant non pas d’étirer notre rapport à ces personnages qui se frôlent et s’éloignent, mais de compacter les émotions, d’approfondir ce qui se joue à l’écran.
La relation entre Jessie et Tom se joue en bonne partie dans leur tête – et dans la nôtre –, au point que nous sommes suspendu·es à presque rien, ce presque rien qui change tout et fait la sève des plus belles irruptions amoureuses. Rose Matafeo sait parfaitement jouer de l’absence, du hors-champ, du manque qui se crée. Une performance assez impressionnante pour celle qui vient du stand-up dans son pays natal et s’est fait connaitre notamment avec son spectacle Horndog à l’Edinburgh Fringe Festival – la même manifestation qui a révélée Phoebe Waller Bridge en 2013. Elle n’avait jamais participé à l’écriture d’une série, ce qui montre à quel point la génération émergente (Matafeo a 29 ans) avance avec ce type de récit dans la peau, de façon naturelle et fluide.
Bonbon de Noël
Au-delà de son charme et de son intelligence narrative, Starstruck s’inscrit dans une tendance faisant la part belle aux récits dits progressistes et aux nouvelles configurations amoureuses, celles qui touchent tout le monde y compris les hétéros, travaillé·es par les questions de l’indépendance dans le couple, du consentement, de la libération des désirs mais pas à n’importe quel prix.
Tout cela est énoncé avec la volonté sereine et farouche de rester toujours accroché aux personnages. Si Jessie incarne une jeune femme contemporaine, racisée (tout comme son crush, d’origine indienne) et traversée par le féminisme, ce n’est jamais pour remplir des cases prémâchées. Le discours vient toujours après le récit, dans le point de vue cette fille pleine de fantaisie, capable tour à tour de se dénigrer et de s’aimer, de balancer des punchlines folles et de laisser une émotion s’installer. Petit bonbon de saison idéal, Starstruck connaîtra une deuxième saison qui a été commandée avant même la diffusion de la première. On n’a qu’une hâte : retrouver ce couple qui nous aide à croire que la romcom n’est pas morte.
Starstruck. Sur MyCanal.