Sur BrutX, retour sur l’itinéraire de l’avocate féministe Gisèle Halimi
Qui était vraiment Gisèle Halimi ? Sur BrutX, un documentaire revient sur la vie de l’avocate et militante féministe décédée en 2020.
Disparue le 28 juillet 2020, Gisèle Halimi, née Taïeb, d’une famille modeste, tunisienne et juive, aura incarné toute sa vie cette pugnacité typiquement féministe que ses combats en faveur des femmes et des opprimé·es n’auront cessé de renforcer. Le documentaire que lui consacre la journaliste Sara Kheladi, produit et diffusé sur la plateforme BrutX, propose de revisiter la vie de l’avocate, de brosser “un portrait de biais” de cette transfuge de classe, de percer l’image d’icône pour tenter d’y voir les contradictions.
Dans le cas de Gisèle Halimi, on apprendra que derrière la défenseuse de l’égalité se trouvait une femme pouvant faire preuve d’une certaine sévérité de traitement avec ses proches collaborateur·trices, mais l’anecdote reste assez superficielle.
S’accommoder du réel
En revanche ici, ce qui change la donne et détonne avec le genre télévisuel classique, c’est l’engagement, devant et derrière la caméra, de la journaliste Sara Kheladi, dont l’histoire familiale n’est pas sans lien avec celle d’Halimi, et que l’on suit dans son travail de restitution d’une certaine vérité-Halimi. Singeant avec amusement des effets de suspens façon film-enquête, le portrait se déroule et se précise au contact de différent·es intervenant·es (principalement : l’historienne et journaliste Sophie Bessis, la professeure de littérature Zineb Ali-Benali, l’ancienne collaboratrice Violaine Lucas et une amie d’enfance) pour retracer l’itinéraire de cette femme, dont l’engagement aura été constitutif de son être, elle, née fille dans un milieu où il valait mieux être garçon. Une “malédiction” avec laquelle Gisèle Halimi devra négocier tout au long de sa vie, entre culpabilité (on lui reproche la mort de son jeune frère), et assignation à un conditionnement féminin (contre lequel elle se battra très jeune en faisant une grève de la faim).
Si la mise en scène de cette subjectivité finit par s’étioler quand le film tente de manière trop expéditive de sonder l’héritage Halimi auprès de la jeune génération, elle permet l’affirmation d’une non-exhaustivité (pas de mention du procès Tonglet-Castellano, ni du manifeste des 343, par exemple) qui dit modestement l’implication d’un “je” et détourne le portrait de la simple hagiographie pour saisir la véritable teneur de son objet : l’affirmation d’une identité féminine par l’appropriation et l’écriture de sa propre histoire. Ainsi, on apprendra qu’Halimi a toujours tu l’existence d’un premier mariage arrangé qui lui permettra, en tant que jeune fille, de se soustraire à une autorité (parentale) pour une autre, mais aussi d’accéder à la ville de ses rêves Paris (et de ses désillusions : l’antisémitisme) ; en somme de composer avec la soumission pour s’affranchir, transgresser l’interdit en s’accommodant du réel.
Réseau de solidarité féminine
C’est ce jeu de corrélation entre l’existence intime d’Halimi et les causes qu’elle défendra, ce combat pour la dignité des femmes et des peuples (l’indépendance du peuple algérien qui occupe ici une place centrale), cette solidarité mêlée d’ambition, qui éclaire l’ancrage et la trajectoire de son engagement. “Défendre les autres, c’est se défendre soi-même”, dira Halimi.
Dans sa dernière partie, le film prend le temps de revenir sur l’affaire Djamila Boupacha, cette jeune algérienne arrêtée en 1960 pour tentative d’attentat à la bombe à Alger, torturée et violée, et dont Halimi deviendra l’avocate puis l’amie, tissant ainsi un réseau de solidarité féminine qui n’aura de cesse de chahuter le système d’oppression patriarcal.
Gisèle de Sara Kelhadi, un documentaire BrutX original