Sur “Crawler”, IDLES se fait moins électrique, plus éclectique et toujours rageur
Jamais rassasiés, les Anglais font de ce quatrième album un sas favorable à l’émergence d’un punk-rock plus contenu et nuancé qu’à l’accoutumée.
Écouter Crawler, c’est prendre le risque de croiser un riff de guitares qui n’a pas eu le temps de refroidir depuis Ultra Mono, sorti il y a à peine un an. C’est craindre une possible redite, une énergie qui tendrait à s’essouffler, la découverte d’un groupe qui serait devenu l’antithèse de ce qu’il a été depuis ses débuts : assagi.
Que nenni : Joe Talbot et ses potes turbulents ont certes pris de l’âge, et expérimenté au passage un nouveau confort de vie, mais ils conservent la même gouaille, la même rage, la même envie de dépoussiérer les codes d’un punk rock joué chez d’autres en pilotage automatique.
Des tubes qui transpirent la débauche
The New Sensation, annonce le cinquième morceau de ce nouveau long format, et c’est exactement de ça qu’il s’agit ici : l’exploration de nouvelles esthétiques, l’ouverture vers de nouvelles émotions. Pas de Mr. Motivator ou de Danny Nedelko sur Crawler – à l’exception peut-être de Meds, un poil prévisible –, tout se passe en réalité comme si le punk rock d’IDLES ne pouvait plus se résumer à ces tubes qui transpirent la débauche, la mauvaise bière et l’électricité maltraitée.
L’erreur serait toutefois de penser que ces cinq gaillards en ont fini avec leurs morceaux mal éduqués, interprétés la bave aux lèvres – Stockholm Syndrome et Crawl! sont taillés pour la scène, de préférence face à un public prêt à manger ses molaires dans une mare de sang.
La vérité, c’est qu’à en juger par la sophistication, la production caverneuse, la puissance retenue de MTT 420 RR, When the Lights Come On ou The Beachland Ballroom, IDLES a préféré proposer un disque tout en relief plutôt qu’une énième variation sur le même thème : celui, nerveux et intense, qui pousse à dézinguer allègrement son mobilier.
Joe Talbot et ses bruyants compagnons n’en ont pas fini avec le rock
Par instant, comme sur Progress, le punk rock des Anglais se fait même comateux, psychédélique, volontiers expérimental, comme pour contrebalancer une fin d’album nettement plus bruyante, criarde. Une manière de signifier que la musique d’IDLES a gagné en nuances, en puissance mélodique, et qu’elle traduit aujourd’hui des émotions plus complexes.
Mais aussi de rappeler que, contrairement à ce que prétend l’ultime morceau (The End), Joe Talbot et ses bruyants compagnons n’en ont pas fini avec le rock, et excellent encore et toujours à composer des brûlots qui donnent l’impression de se faire projeter à travers des murs.
Crawler (Partisan Records/PIAS). Sortie le 12 novembre.