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Élie Lescot, élu président d’Haïti en 1946, est l’un des présidents qui a perdu le pouvoir après une grande grève, connue dans l’histoire sous le nom des «cinq glorieuses ».
Haïti est à l’arrêt depuis l’appel à la grève lancé la semaine dernière par des syndicats de transport en commun. L’objectif de cette paralysie des activités consiste à exprimer le ras-de-bol de la population face à l’insécurité, les actes d’enlèvements, la criminalité qui rythment le quotidien du pays.
Ces derniers jours, le problème de l’insécurité a pris une autre tournure. Le contrôle de l’accès aux terminaux pétroliers par les groupes armés vient amplifier la pénurie de carburant que connaît le pays depuis des mois. Ces hommes empêchent l’approvisionnement des pompes à essence, ce qui provoque des conséquences diverses. Institutions, hôpitaux, compagnies de télécommunication sont tous frappés de plein fouet.
En réaction, l’association des chauffeurs de produits pétroliers d’Haïti (ACPPH) a aussi lancé une grève. Mais selon l’historien Pierre Buteau, cela n’aboutira à rien de concret par rapport aux problèmes actuels du pays. « Ces mouvements sont marqués par une prise de conscience citoyenne, admet-il. Toutefois, l’objectif, qui est la sécurité, est difficile à atteindre. Mais les grèves restent un excellent moyen pour inviter les forces publiques, le gouvernement et le secteur privé à initier des efforts en vue de favoriser de meilleures conditions de vie.»
Le syndicaliste Jacques Anderson Laroche, membre de Fòs sendikal pou sove Ayiti (FOSSA), explique lui aussi qu’il ne croit pas que les grèves peuvent apporter des solutions à ce que nous vivons en Haïti aujourd’hui. « Ce sont des éléments de motivation et de ralliement, afin de sensibiliser tout le monde pour un lever de boucliers national», croit-il. En réalité, les mouvements de grève dans le pays n’ont que très rarement atteint leur objectif final.
Des désaccords répétés
La plupart des grèves réalisées durant ces dix dernières années ont abouti à des désaccords entre les syndicalistes initiateurs du mouvement. C’était le cas pour la grève dite « illimitée » réalisée les 18 et 19 octobre dernier. Cela s’est souvent répété dans le passé.
« La grève lancée la semaine dernière avait été reportée pour cette semaine, pour mieux concerter avec d’autres groupes syndicaux qui ne comprenaient pas la notion de grève illimitée qu’on avait lancée. On s’est rencontrés, et on s’est tous mis d’accord», explique Changeux Méhu, président de l’Association des propriétaires et chauffeurs d’Haïti.
Mais Méhu est conscient du problème. Il croit que ces mésententes se répètent à cause des associations syndicales non structurées. « Certaines d’entre elles n’ont même pas de membres », dit-il. Selon le coordonnateur du Réseau National de la Défense des Droits Humains (RNDDH), Pierre Espérance, cela résulte d’un manque criant d’hommes et de femmes intègres, pour défendre l’intérêt de la nation. « Parfois [les initiateurs de grève] se servent des revendications populaires pour aboutir à leur objectif. C’est ainsi qu’ils les utilisent pour pouvoir se rapprocher auprès d’un pouvoir ou défendre leurs intérêts économiques », dit Pierre Espérance.
Lire aussi: A quand la grève généralisée ?
Pour sa part, le syndicaliste Jacques Anderson Laroche se montre conscient des problèmes exposés par Pierre Espérance autour des mouvements lancés par les syndicats en Haïti. « Je sais qu’il existe une crise de confiance au sein de la société haïtienne. Mais il est temps d’unir nos forces afin de stopper les manœuvres déloyales qui sèment la division dans les initiatives démocratiques qui visent à libérer la population», estime-t-il.
D’anciennes grèves
Depuis la transition d’Haïti vers des régimes démocratiques à partir de 1986, la grève est l’un des moyens les plus utilisés par différents groupes de la société pour exprimer leur désaccord par rapport à une situation donnée. Si de nos jours on ne constate pas vraiment leurs résultats, dans le temps certaines ont fini par renverser des présidents.
Selon l’historien Pierre Buteau, Élie Lescot, élu président d’Haïti en 1946, est l’un des présidents qui a perdu le pouvoir après une grande grève, connue dans l’histoire sous le nom des «cinq glorieuses ». Pendant cinq jours, la jeunesse haïtienne s’est soulevée contre l’injustice et l’impunité. « La capitale haïtienne était bouleversée par ce mouvement de contestation. Le 11 janvier, c’était la chute du président Élie Lescot», raconte l’historien.
Ce sont des éléments de motivation et de ralliement, afin de sensibiliser tout le monde pour un lever de boucliers national
Avant la démission du président Léon Dumarsais Estimé, considéré comme le président le plus progressiste d’Haïti, il y a eu aussi de grandes grèves « À l’époque, le docteur François Duvalier était ministre du travail et de la santé. Il y avait une grève des étudiants qui paralysait les activités académiques à la Faculté de médecine. Duvalier s’était lui-même déplacé pour rouvrir les portes de la faculté que les étudiants avaient fermées », relate Pierre Buteau. Le président Estimé a été renversé par un coup d’État militaire le 10 mai 1950 après trois ans et huit mois.
Toutefois, durant le régime dictatorial de François Duvalier, les grèves lancées n’ont pas eu de succès. « Le dictateur avait menacé les entrepreneurs du secteur privé, insinuant que leurs entreprises pouvaient être pillées, s’ils tentaient d’adhérer aux grèves. Duvalier a aussi procédé à la fermeture des écoles et universités et a chassé des étudiants qui voulaient initier ce type de mouvement», explique l’historien Buteau. Toutefois, le régime de son fils, Jean Claude Duvalier, a été marqué par de grandes grèves.
Délitement total
Les gouvernements ont souvent leurs stratégies pour dissuader la population d’entrer en grève. Par exemple, en septembre 2017, sous l’administration du défunt président Jovenel Moïse, le ministre de l’Intérieur et des Collectivités territoriales, Max Rudolph Saint-Albin, avait annoncé la disponibilité des autobus Dignité afin de permettre aux citoyens de vaquer librement à leurs occupations. Un syndicat avait annoncé une grève à l’époque.
Mais le gouvernement actuel ne peut rien faire contre la situation que nous connaissons, selon Buteau. « Il s’agit d’un délitement total, et le premier ministre de facto Ariel Henry n’a pas le contrôle de la situation. Il ne peut même pas constituer un nouveau gouvernement et respecter les promesses qui étaient prévues dans son accord », fait-il remarquer.
Les syndicats à l’origine de la grève contre l’insécurité et la pénurie de carburant ont annoncé ce mercredi 27 octobre qu’ils prenaient une pause, pour permettre à la population de vaquer à ses occupations, dans la mesure du possible. Comme tant d’autres mouvements qui ont précédé, les résultats concrets de cette grève ne semblent pas être au rendez-vous. Mais quoiqu’il en soit, les grèves restent un élément essentiel de toute démocratie.
Emmanuel Moise Yves
Photos: Carvens Adelson / Ayibopost
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